Le ver de terre est probablement l'appât le plus populaire pour la pêche, il permet de prendre la plupart des poissons d'eau douce. Des goujons aux silures en passant par les poissons blancs et les salmonidés.
L'utilisation du ver au dix neuvièmes siècles
En 1830, C. Kresz Ainé publie Le pêcheur français réédité à plusieurs reprises chez les éditions Marabout. Dans ce livre généraliste sur la pêche, l'auteur évoque les vers en général : « Les vers de toutes espèces sont les meilleurs appâts […] Ceux que l'on connaît vulgairement sous le nom d'asticots, et ceux, de terre, de l'espèce de lombrics appelés achées, et quelques fois aiches, dont les pêcheurs ont fait le mot aicher, qui signifie pour eux, amorcer. »
1875, René Liesel, écrit Traité de pêche à la ligne et au filet et donne sa méthode pour que le ver attire un maximum de poissons et qu'il tienne bien à l'hameçon : « Faites entrer la pointe de l'hameçon dans le corps du ver à un demi-centimètre de la tête... ». Cependant, il revendique l'efficacité de celui-ci.
En 1881: La pêche à toutes les lignes de John Fisher donne une vision généraliste de la pêche. Ici, l'auteur précise d'emblée que l'autre nom qu'on donne à cet appât est aiche « d'où le verbe aicher » précise-t-il. C'est, selon lui, « un excellent appât principalement pour la pêche de l'anguille, et du gros poisson de jour et de fond : la truite, la perche, la brème, etc. » Il invite les lecteurs à utiliser un hameçon de 4 ou 5 pour prendre les poissons vus plus haut. Vient le moment de l'eschage : « […] Il faut entrer la pointe à un centimètre environ en-dessous de la tête car si on blessait celle-ci, le ver périrait bien vite. Ce qu'il faut éviter. On fait ensuite descendre l'hameçon dans le corps du ver jusqu'à deux centimètres de la queue que l'on laisse libre [...] » Cette façon de mettre le ver au bout de l'hameçon va très certainement évoluer nous le verrons notamment chez les pêcheurs de truites. Il n'y pas de consensus sur la façon dont le ver doit être enfilé sur l'hameçon.

La pêche au ver au vingtième siècle, le cas de la truite
S'il y a bien une pêche dans laquelle le ver est utilisé, c'est bien celle de la truite. Cent ans plus tard, intéressons-nous aux ouvrages destinés aux pêcheurs de truites.
En 1928, Léon Foch, instituteur commingeois et excellent pêcheur au toc pyrénéen écrit le célèbre L'art de pêcher la truite qui inspirera d'ailleurs plusieurs de ses disciples. Voici son point de vue. Dans son chapitre intitulé « les appâts » il évoque la voracité de la truite qui peut être leurrée avec plusieurs appâts « […] On peut se permettre de pêcher avec un appât quelconque : ver de terre, porte-bois (cuquet), petite limace des salades, chenilles, sangsues noires, grillons, sauterelles, mouches, etc. Mais le plus pratique et le plus meurtrier des appâts pour la truite, est l'asticot. » Pas d'ambiguïté ici, le ver n'est pas le meilleur des appâts pour la truite, contrairement à ce que nous avons pu lire précédemment.
Plus tard, Pierre Lacouche, qui est une figure emblématique de la pêche au lancer et de la truite chez l'éditeur Bornemann, donne des éléments dans son opus La truite et ses secrets publié en 1959. Il ne s'agit pas comme Foch d'un spécialiste du toc mais bien de toutes les techniques qui permettent de capturer des salmonidés de nos ruisseaux et rivières. Dans ce cas, pas de chapitre dédié à l'ensemble des appâts, mais un chapitre que Lacouche a nommé : « Pêche de la truite au ver à la dandinette ». Voici ce qu'il écrit « C'est une méthode assez tout à fait spéciale qui permet de prospecter le gîte de la truite, lorsque cette dernière boude et déserte les postes de chasse. » Ici, il décrit que « cette pêche est excellente, aussi bien en eaux claires qu'en eaux louches ». Il précise aussi que ce mouvement de dandinette est très meurtrier. L'est-il encore aujourd'hui ? La question se pose car les truites semblent bien plus méfiantes.
En 1977, Léon Foch fait des émules, cette fois, c'est une autre légende commingeoise qui nous dévoile ses stratégies de pêche au toc : Jean Lamoure. Son ouvrage, La truite en eau vive, a été réédité à de nombreuses reprises montrant ainsi l'impact qu'il a eu auprès des pêcheurs de salmo trutta fario. Si le ver de terre est le premier des appâts qu'il décrit, ce n'est pas celui-ci qui est le plus efficace selon lui car une grande partie est consacrée, comme Foch, à l'asticot. Les seules précisions concernent le fait de choisir des vers de terreau ainsi que quelques indications sur le diamètre du nylon à choisir ainsi que les hameçons « hameçon n° 7 ou 8 pour un diamètre de 14/100 ». Cette pêche à l'asticot est aujourd'hui autorisée dans certaines rivières des Pyrénées mais bannie dans beaucoup de rivières de première catégorie sur le territoire français.

Cinq ans plus tard, en 1982, le député communiste Fernand Dupuy, s'interroge sur ce qu'il va présenter aux truites. Il n'a pas la langue dans sa poche et à une époque où certains faisaient la différence entre des pêches sportives et les autres, il s'explique : « Mais laissons ces vaines querelles et tant pis si écrivant que je tiens la pêche à la truite au ver de terre pour la reine des pêches à la truite, je passe pour un mécréant. » Plus loin, il indique qu'il y a « une grande variété de vers de terre. Cent soixante-dix espèces ont été répertoriées. […] À l'ouverture, le beau lombric terrestre est mon esche préférée car la plus efficace; elle est aussi efficace en fin de saison. Par contre, en juin, juillet et août, le petit ver rose et le ver zébré de fumier donnent de très bons résultats ; ce qui revient à dire que je pêche la truite au ver de terre pratiquement de l'ouverture à la fermeture. »
Alphonse Arias, autre personnalité très connue, dans le milieu de la pêche de la truite au toc a écrit deux ouvrages destinés aux pêcheurs de truites : Le guide Arias du vrai pêcheur de truites (1988) et Truite : toutes mes techniques aux appâts naturels (2008).
Regardons de plus l'opus de 1988. Difficile de dire dans cet article tout le contenu de ce livre fort intéressant, cependant, il explique que c'est « un très bon appât en début de saison. Je préfère l'utiliser par eaux borgnes, teintées ou troubles. Il donne de bons résultats par eaux claires. » Vingt ans plus tard, le ver apparaît toujours comme un excellent appât: « Je pense que le ver est le roi de l'ouverture mais il peut être utilisé tout au long de la saison par toutes les eaux et n'importe quel temps. Bien sûr, il est mieux adapté aux eaux fortes ou teintées puisque la nature les amène au menu des truites. » Alphonse Arias est un pêcheur d'esprit plutôt ouvert et n'hésite pas à parler de la pêche des truites d'élevage assez présentes dans nos eaux, dans ce cas, il explique comment le ver peut se révéler être un véritable aimant : « On les enfilera par la tête puis on leur fera épouser la forme de l'hameçon en les faisant ressortir à hauteur de l'ardillon. On coupera le ver à un centimètre de l'hameçon. » Ainsi, ce montage est le contraire de celui-ci qu'il privilégie pour les truites sauvages. Dans le cas de truites d'élevage, l'objectif est de faire tourner le ver sur lui-même pour les attirer et les faire mordre. On remarque ici que le pêcheur commingeois s'adapte aux nouvelles problématiques de la pêche dans nos eaux.
La pêche de la truite au ver au XXI ème siècle
Qu'on le veuille ou non, la pêche au ver n'a pas disparu, cette pêche plutôt populaire est toujours d'actualité en particulier dans la pêche de la truite bien qu'elle soit concurrencée par la pêche aux leurres ou à la nymphe. Voici quelques propos d'auteurs.
En 2009, on voit la publication de deux titres consacrés au toc: Toc toc. La pêche de la truite au toc de Philippe Dours et Le toc, pêche des Pyrénées écrit par Robert Menquet.
Robert Menquet est un enfant des Pyrénées, il a fréquenté les plus grosses pointures de cette pêche : Arias, Lamoure, Soueix, Foch, Ducos. Sans ambages, il évoque les Pyrénées comme le berceau de la pêche. Voyons désormais quels sont ses propos sur le ver. Il explique qu'il a essayé tous les appâts possibles mais le seul qui est selon lui le plus efficace est le ver : « Pourtant si je ne devais choisir qu'un seul genre d'appât pour pratiquer toute l'année, j'opterai pour le ver. Un de mes anciens maîtres me l'avait d'ailleurs expliqué plusieurs fois. […] « Petit, si tu ne dois pêcher qu'avec un seul appât, utilise le ver, c'est le meilleur pour pratiquer partout et par tous les temps. » Robert Menquet ne manque pas de se documenter sur les vers et il écrit qu'il a consulté un document dédié à cet invertébré : « Je recommande à ceux qui sont intéressés la lecture de l'ouvrage remarquable : Lombrics de France, écologie et systématique de B. Bouché. Il se trouve à l'INRA, dans les annales de zoologie écologie animale de 1972. L'auteur montre ici qu'il s'intéresse de près aux appâts qu'il utilise.
Philippe Dours, quant à lui est tout aussi loquace sur les lombrics. En effet, dans un chapitre de trois pages et demie, il évoque cet invertébré mais selon lui, « L'utilisation du ver, comme tout autre appât, est dictée par l'état de la rivière et la réglementation qui de plus en plus interdit l'asticot. La période pendant laquelle vous pêchez a également son importance. Le début de saison et ses débits élevés, les rivières en début ou fin de crue lorsque les eaux commencent à être teintées ou finissent de l'être, restent les périodes les plus favorables à son utilisation. »

On remarque que l'usage du ver de terre a évolué depuis la fin du XIXème siècle. Tous les auteurs ne sont pas unanimes pour dire que cet appât est utilisable toute l'année ni sur la façon de l'escher. On voit qu'un appât peut être traité de façon différente selon les époques. Cependant, le ver de terre reste un appât de choix qui est très efficace toute l'année sur les truites, mais aussi sur d'autres poissons.