Partir pêcher l'aïmara en Amazonie : comportement et technique

Partir pêcher l'aïmara © Fabien Prevost

Dire que pêcher l'aïmara dans ces zones à faible pression de pêche est compliqué serait un mensonge éhonté. En revanche, il faut s'attendre à devoir faire preuve d'adaptabilité et d'endurance. Adaptabilité, car il faut pouvoir pêcher toutes les configurations qui se présentent sur ce parcours varié, et endurance, car il faut avoir assez de leurres pour pouvoir pêcher jusqu'au bout du séjour.

Facteurs et conditions de pêche

Il faut bien penser que dans ce vaste milieu qu'est l'Amazone, la pluie joue un rôle déterminant pour le milieu. Ainsi, même s'il ne pleut pas beaucoup sur votre secteur, une forte pluie 20 km en amont peut provoquer une importante et rapide montée des eaux (plus d'un mètre en une nuit), et un troublement important de l'eau qui peut impacter considérablement la pêche. Ceci affecte le comportement des poissons fourrages et donc des prédateurs. Si les niveaux bas ont logiquement tendance à concentrer les poissons, une brusque montée des eaux va les dispatcher, les obligeant à trouver des zones abritées des courants. La fin de la saison sèche est donc la plus indiquée pour ce type d'aventure (de septembre à décembre). Mais de nos jours, il devient difficile de prédire la météo.

La lune est également un facteur important. En effet, l'aïmara est avant tout un prédateur nocturne.

C'est d'ailleurs ce qui explique que les moments les plus prolifiques (sans vérité absolue, loin de là) restent la fin de journée, lorsqu'il commence à se placer, et le début de matinée, en fin de phase d'alimentation. La pleine lune suppose donc une activité nocturne plus intense. Ceci se vérifie surtout pour les gros sujets, mais ne fait pas vérité pour la majorité des poissons qui mordront à n'importe quel moment de la journée, pourvu que le leurre passe à proximité.

Autre fait intéressant, le contenu stomacal des poissons. En effet, si vous vous lancez dans cette expédition, vous n'aurez d'autre choix que de manger quelques aïmaras. Grillé, boucané ou encore en blaff, c'est un poisson délicieux. Un poisson de 4 kg permet généralement de nourrir six personnes sans souci. Leur préparation est l'occasion de voir un peu ce qu'ils ingurgitent, et d'en apprendre un peu plus sur leurs habitudes alimentaires. Et là c'est la surprise. Quasiment 100 % des poissons ont l'estomac vide, et ce n'est pas faute de proies. Ce constat interroge : les poissons se nourrissent-ils principalement de très petites proies, à l'image des yayas, petits poissons blancs présents en très grande quantité ? Ont-ils une digestion particulièrement rapide ? Ces interrogations restent sans réponse, mais c'est assez intéressant à noter.

Du power fishing pur et dur

La pêche s'effectue principalement en kayak, sur de longues dérives. L'idée est donc de poncer. Chaque renfoncement dans les berges, chaque tronc immergé, chaque contre-courant peut abriter un poisson. Si certains postes paraissent évidents, il ne faut surtout pas négliger la pêche en pleine eau. En effet, ces poissons adorent se poster sur des tombants, derrière un rocher qui casse le courant. Il ne faut donc pas hésiter à casser le rythme et changer de leurre pour prospecter une zone bien marquée, même pour quelques lancés seulement, avant de reprendre sa dérive. Car si les touches s'enchainent parfois avec frénésie sur n'importe quel type de leurres, d'autre fois, les conditions et la configuration oblige à prendre un contre-pied. Les leurres magiques de la veille ne sont plus que des reliques et il faut trouver autre chose : pêcher plus creux, plus vite, avec plus de vibrations, avec une couleur particulière.

Sur les sauts, la pêche est différente. On en croise plusieurs sur ce parcours, tel Saut Equerre, saut du Péril, saut Deux-Roros… Ces postes se pêchent à pied. Il s'agit d'identifier les zones de contre-courants, les blocs de roches susceptibles d'abriter un poisson en embuscade, attendant que la nourriture passe à sa portée immédiate pour jaillir. Ces zones peuvent s'avérer très prolifiques, notamment suite à une montée des eaux. Les poissons se regroupent alors en bas du saut et tentent de le remonter pour accéder à des zones amont, soit pour trouver plus de nourriture, ou alors pour la fraie (en mars). Les poissons remontent alors le courant, de la même manière que les truites, et il n'est pas rare de voir le dos des poissons dépassant de l'eau dans des micro- bassines. Puis le spot se vide rapidement, à mesure que l'eau redescend.

L'aïmara en combat

L'aïmara est muni d'une caudale surdimensionnée et d'un corps serpentiforme qui lui confèrent des aptitudes de combat très intéressantes. En revanche, si l'attaque est soudaine, la rapidité n'est pas son point fort. Il va plutôt chercher à sonder et à utiliser le courant pour trouver un obstacle dans lequel s'abriter. Et puis, sentant que cela ne fonctionne pas, s'ensuit un véritable ballet aérien où chaque chandelle est autant d'occasion pour lui de se dépiquer sur un coup de tête. Alors il n'hésite pas, il secoue fort. Le pêcheur, à l'autre bout, ne peut qu'essayer d'anticiper les sauts et subir, priant pour que ça passe. Et évidemment, c'est souvent à ce moment que le leurre fini par être éjecté.

L'aïmara possède une gueule extrêmement dure dans laquelle il est très difficile de planter un hameçon. Si ce n'est pas coffré profond, il faut simplement espérer que cela pique dans les joues ou alors sur la commissure des lèvres. Dans le cas contraire, c'est la victoire assurée pour le poisson.

Néanmoins, le facteur chance jouant parfois en notre faveur, le taux de dépiquage doit être d'environ 3/5 sur des poissons de 4 kg et plus, ce qui laisse quand même quelques belles opportunités de mettre le super prédateur au sec.

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