Pêche de l'alose à la mouche en Bretagne, au fil des saisons

La grande alose remontent de nombreux cours d'eau bretons pour le plus grand plaisir des pêcheurs ! © Enjoy Fishing / Jean-Baptiste Vidal

Depuis le début des années 2000, les remontées d'aloses sont satisfaisantes en Bretagne et permettent de rechercher ce migrateur passionnant, notamment dans le Finistère et dans le Morbihan. Les aloses offrent aux pêcheurs sportifs une alternative de qualité au printemps. Récit d'une rencontre avec un poisson de sport très puissant et divertissant, au cycle bien particulier.

La Bretagne au linéaire côtier très étendu offre un potentiel très intéressant pour l'accueil d'espèces migratrices, dont les plus connus sont bien sûr le saumon et la truite de mer. Pourtant, depuis début 2000, les remontées de grandes aloses ont augmenté, puis se sont stabilisées depuis une dizaine d'année, attirant de nombreux pêcheurs à la recherche d'émotions fortes. En effet, l'alose est un vrai poisson de sport pour peu qu'on s'intéresse à sa pêche et que l'on adapte son matériel en conséquence.

Dès le mois de mars, les premières aloses montrent déjà le bout de leur nez dans de nombreux cours d'eau côtiers bretons surtout ceux canalisés, où les eaux se réchauffent plus rapidement. Mais c'est surtout à partir de début avril, lorsque la température de l'eau augmente et que le printemps s'installe, que les aloses colonisent en plus grand nombre certains fleuves d'Armorique. On peut en compter plus d'une quinzaine, de la rivière moyenne comme l'Odet, l'Elorn ou encore le Scorff, aux rivières plus larges, canalisées, comme l'Aulne, le Blavet, l'Oust et la Vilaine, où se concentre la majorité des pêcheurs.

La grande alose colonisent de nombreux cours d'eau breton notamment l'Aulne, le Blavet et l'Oust où se concentrent les aficionados de cette espèce migratrice
La grande alose colonise de nombreux cours d'eau breton notamment l'Aulne, le Blavet et l'Oust où se concentrent les amateurs de cette espèce migratrice

Avril, le début de saison

En Bretagne, généralement un premier pic de montaison a lieu courant avril, avec les débits printaniers, qui coïncide bien souvent avec une grande marée. C'est le moment de ressortir sa canne à mouche de type réservoir pour tenter de prendre les premières arrivées, qui bien souvent sont de très belle taille, fraiches et donc très combatives, faisant plier violemment le carbone.

À cette période de l'année, très peu de pêcheurs les recherches spécifiquement, même si maintenant certains connaisseurs les attendent de pieds fermes et sont de plus en plus nombreux. Puis progressivement, par petits groupes, les aloses vont se retrouver de plus en plus abondantes derrière les premières écluses des cours d'eau bretons, surtout de l'Aulne dans le Finistère, du Blavet et de l'Oust dans le Morbihan qui sont d'après Bretagne Grands Migrateurs et à ma connaissance, les trois rivières où se pratique régulièrement la pêche de ce migrateur.

Ces rivières précitées, sont toutes canalisées et équipées d'écluses depuis de nombreuses années qui freinent la remontée des aloses, même si chacune d'entre elle est équipée d'une passe tout poisson (saumon, truite de mer, alose, lamproie). Ces dernières se retrouvent souvent temporairement bloquées en fonction des niveaux d'eau, pour le plus grand plaisir des pêcheurs.

Alors qu'une première partie des troupes sont déjà arrivées, la plupart des écluses bretonnes se voient animées par l'arrivée de quelques fidèles, qui viennent lancer leurs mouches dans le but d'attraper ce poisson migrateur ô combien combatif et puissant.

Les pêcheurs auraient tort de s'en priver, car pour l'instant il suffit simplement d'avoir son permis de pêche, et aucune taxe n'est demandée pour rechercher cette espèce contrairement au saumon et à la truite de mer (timbre migrateur obligatoire). Les aloses, lorsqu'elles arrivent tout juste de mer, sont très puissantes et offrent des sensations garanties à qui voudrait s'y intéresser.

Un matériel de type réservoir convient parfaitement pour rechercher l'alose à la mouche
Un matériel de type réservoir convient parfaitement pour rechercher l'alose à la mouche

Quel matériel utiliser ?

En effet, avec du matériel léger, il est possible de vraiment passer de bons moments, et d'avoir enfin un peu de fil ou de backing de sorti ! Il convient d'employer des cannes de puissance 6 à 8 pour 9 à 10 pieds, pour les adeptes des cannes à une main ou de 10,6 à 12 pieds pour les cannes switch qui se révèlent parfaites pour les postes plus larges. Si l'on souhaite pratiquer pendant toute la saison de l'alose (de mi-avril à fin juin) il est recommandé d'avoir au moins trois densités de soie (flottante à pointe plongeante, intermédiaire et flottante) ou une soie multi-tip c'est-à-dire à pointe interchangeable permettant de pêcher dans toutes les conditions.

La technique reste assez proche de la pêche du saumon, qui consiste à peigner les postes où se tiennent les aloses, en cherchant la bonne veine d'eau, profondeur, couleur de mouche et la vitesse de dérive. Il est primordial pour cette espèce de passer au bon niveau, et de jouer sur l'agressivité pour déclencher les touches.

En tout début de saison, en avril voir début mai selon les niveaux d'eau, une soie flottante à pointe plongeante permettra de pêcher « creux » et de présenter la mouche au bon « étage ». Il sera important à ce moment de l'année d'avoir des modèles très colorés, de taille assez importante (hameçon 4 à 6) et faire passer la mouche assez doucement près du fond. Généralement, la touche a lieu au moment où la mouche accélère à la fin du « swing » et remonte en fin de dérive. Il est possible aussi d'animer légèrement votre mouche pour tenter de déclencher une touche réflexe, bien que la majorité des prises se fassent en dérive inerte, pour les grandes aloses. Leurs cousines, les feintes, sont beaucoup plus réceptives à des animations rapides.

Quand progressivement les eaux se réchauffent, au mois de mai, les poissons sont plus actifs et se déplacent plus franchement. Il est temps de passer à une soie flottante à pointe intermédiaire. Il faudra réduire en connaissance de cause la taille de la mouche (8 à 12), mais garder des mouches colorées, imitant généralement de petites crevettes ou de petits poissons. Mes modèles préférés sont orangés, rouge, jaune, vert chartreuse et violet.

Les mouches colorées et "flashy" sont les plus prenantes pour rechercher ce migrateur agressif
Les mouches colorées et "flashy" sont les plus prenantes pour rechercher ce migrateur agressif

En mai fait ce qu'il te plaît !

Le mois de mai est certainement la meilleure période pour avoir de bonnes chances de prendre ses premières aloses, ou si l'on est un habitué, de faire de très belles parties de pêche en prenant plusieurs poissons en quelques heures. Les meilleurs moments de la journée sont au lever du jour et à la tombée de la nuit, car les aloses n'affectionnent pas trop les fortes luminosités. C'est aussi à ces moments que les aloses sont plus agressives et se font prendre.

À cette période, les aloses sont là en bonne quantité, car les remontées ont eu lieu progressivement et le stock se constitue. Un second pic de montaison à généralement lieu entre mi-mai et fin mai avec une fois de plus une grande marée. Elles sont actives et très mordeuses et toujours très fraiches. C'est le mois où il faut absolument tenter l'expérience ou si on est un passionné de cette espèce, de se concentrer sur ces poissons intéressants et divertissants à rechercher.

En mai, la technique reste identique au début de saison, mais on pêche généralement plus léger. Les aloses sont plus agressives et se déplacent plus dans la colonne d'eau. Il faut peigner consciencieusement les postes et ne pas se cantonner au même secteur même si l'on a pris un poisson à un endroit particulier. Les aloses montent et descendent dans les courants et ne restent pas en place. Elles se rassemblent et se cherchent pour commencer à préparer leur cycle reproductif qui peut démarrer quand l'eau dépasse les 15°C (optimum 17°C). Au contraire du saumon qui restera posté souvent derrière un bloc rocheux, ou dans une fosse, les aloses se baladent constamment. Il est donc conseillé de lancer loin pour avoir une longue dérive et couvrir du « terrain ».

Bien souvent, il faudra faire plusieurs mendings pour faire descendre votre mouche et ralentir la dérive, même s'il est possible de prendre des aloses en pleine eau lorsque celles-ci sont très agressives et avec des températures d'eau plus clémentes. L'important, ensuite, est de bien contrôler votre dérive pour faire passer votre mouche au bon endroit et comme vous le souhaitez. Il faut bien rester concentré pour ne rater aucune touche. Celles-ci sont souvent très violentes et très sèches et si le ferrage n'est pas réalisé instantanément, il est rare de les piquer car elles recrachent rapidement la mouche.

Lors du combat, laisser votre alose faire son premier gros rush, qui est souvent le plus puissant, puis garder bien la pression et penser à baisser la canne lorsque votre alose vous gratifiera de quelques sauts scabreux. C'est un pur régal ! Lors de la mise à l'épuisette, soyez prudent, les aloses se battent jusqu'au bout et bien souvent vous cassent ou décrochent dans ces derniers moments. Ensuite, maintenez votre alose juste au-dessus de l'eau si vous souhaitez faire quelques photos. Évitez de trop la manipuler et remettez-la vite à l'eau. C'est un poisson très sensible et vulnérable. Elle pourra ainsi se reproduire et assurer sa descendance.

La grande alose est un poisson très combatif et puissant qui donne de belles sensations aux pêcheurs
La grande alose est un poisson très combatif et puissant qui donne de belles sensations aux pêcheurs

Juin, la saison continue

Alors que la saison avance et que l'on approche du mois de juin, beaucoup de paramètres évoluent et se voient modifiés. Les niveaux d'eau baissent et se réchauffent et le courant ralenti impliquant des changements dans les veines d'eau et une nécessaire adaptation dans notre technique de pêche. Le gros des aloses est arrivé, et pour certaines elles sont présentes dans le cours d'eau depuis quelque temps, et leur agressivité peut diminuer.

Les premières aloses entrées en avril, commencent à « connaitre la musique », ou ont été prises et deviennent moins agressives. Il est aussi possible de voir de plus en plus de « bulls » (regroupement de poissons en surface lors de la reproduction) et l'activité au coup du soir, pendant les 2 dernières heures de la journée, est à son comble. Ces bulls nous permettent de repérer les « attroupements » et de localiser ces dernières. Il est aussi possible de les voir « rouler » en surface, ce qui vous renseigne sur leur présence. C'est là qu'il faudra insister.

Ces changements vont engendrer des modifications dans la technique de pêche. Il est temps de pêcher en soie flottante avec de long bas de ligne pour s'adapter aux conditions. La taille des mouches doit diminuer (10 à 14), car bien souvent les niveaux d'eau étant bien plus bas et le courant moins puissant, il faudra effectuer moins de mending, voir aucun, afin de conserver une dérive toujours attrayante. Il est cette fois recommandé d'animer votre mouche pour déclencher les touches et surtout augmenter la vitesse de votre mouche si le courant est devenu trop lent.

On peut utiliser la technique très connue des pêcheurs en réservoir, le « rolly polly » qui consiste à placer la canne sous son aisselle et ramener la soie à l'aide des deux mains par des petites strips rapides mais courts. Les mouches devront être montées avec des matériaux plus mobiles (marabout, poils de lapin, craft fur) qui permettront de donner du mouvement et de créer un semblant de vie. Les touches en « rolly polly » sont foudroyantes et c'est un vrai régal pour le pêcheur !

Dans les rivières de plus petites tailles la pêche commence et se termine plus tard
Dans les rivières de plus petites tailles, la pêche commence et se termine plus tard

Fin de saison

Durant le mois de juin, la grande majorité des aloses ont effectué leur reproduction même s'il est encore possible d'apercevoir des « bulls ». Une fois que les aloses se sont reproduites, elles commencent rapidement à fatiguer puis meurent progressivement, épuisées et amaigries. On peut voir des cadavres d'aloses ici et là, notamment dans les grilles des ouvrages, sur les bordures, nous rappelant l'approche de la fin de saison. Celles-ci vont très lentement se dégrader et se transformer en matière organique, finissant ainsi leur cycle de vie.

Une fois éclos, les alosons de quelques millimètres vont rester dans leur cours d'eau quelques semaines, avant de dévaler progressivement vers la mer, en passant un certain temps en estuaire, un écosystème très riche qui leur permettra de croître rapidement (pour atteindre une taille oscillant de 40 à 70 mm) et de prendre des forces avant de migrer en mer où ils rencontreront beaucoup d'obstacles et de prédateurs.

Pour la grande alose, majoritairement présente en Bretagne, les femelles séjourneront entre 3 à 6 ans en mer, alors que les mâles feront un séjour un peu plus court que ces dernières d'une durée de 2 à 5 ans. En mer, elles se nourriront de petits poissons, larves de sèches et de calmars, de crevettes et autres petites proies, pour ensuite revenir en rivière pour boucler leur cycle de vie et ravir de nombreux pêcheurs !

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