Des conditions pas idéales
Cette saison malgré un hiver plutôt humide, les niveaux d'eau dans les cours d'eau bretons sont plutôt bas pour la saison. Il pleut mais l'eau ne reste plus. C'est un constat alarmant depuis des années. Est-ce l'imperméabilisation des sols par la création de grandes surfaces, lotissements et autres ? Est-ce dû aux pluies moins régulières ? Au vent d'Est et Nord-est que nous n'avions pas aussi fréquemment que ces dernières années ?
Dans tous les cas, les rivières ne gardent plus l'eau comme avant, et chaque année en tant que guide, je me demande comment la saison va se dérouler et si nos poissons auront de l'eau pour vivre correctement !
Les débits printaniers sont importants pour déclencher la migration de l'alose qui partent sur le plateau continental pour se nourrir et revenir en eau douce pour se reproduire au bout de 4 à 6 ans selon le sexe des individus.
Pour le moment, les remontées sont correctes avec plusieurs centaines de poissons montés, mais il faudra surveiller les chiffres que divulguent les stations de comptage pour savoir si l'année aura été bonne.
Ces dernières années, il remonte sur l'Aulne entre 1500 et 2500 grandes aloses. Un chiffre plutôt correct pour ce migrateur si passionnant à rechercher à la mouche. Avec des années bien meilleures au début des années 2000.
Sur le Blavet et les petites rivières bretonnes, il n'y a pas de comptage et nous ne connaissons pas les chiffres exacts sauf sur l'Elorn et le Scorff, lorsque les poissons passent par la station de comptage.

La pêche d'un poisson migrateur passionnant
La grande alose ou alosa alosa est un poisson migrateur agressif et puissant. Ce sont des poissons de 50 à près de 70 cm. Les femelles sont toujours les plus gros spécimens. Elles procurent des sensations incroyables de par leurs touches sont souvent violentes et les combats intenses et parfois acrobatiques.
Tout pêcheur se doit de prendre une alose une fois dans sa vie et certains ont la chance de pouvoir les pêcher chaque année comme c'est mon cas, et ce, sur des rivières canalisées où les populations sont les plus importantes, mais aussi sur de plus petits cours d'eau.
La technique est d'arriver à déclencher l'agressivité des poissons qui ne se nourrissent pas et qui sont agacés par le passage répété de mouches ou de leurres plutôt de couleurs « flashy » et de petites tailles (3-4 cm).
Si les poissons sont là et que l'on sait comme faire évoluer sa mouche, les touches ne tardent pas à se faire attendre.
Connaissant chaque spot du département, je me fais toujours un plaisir d'aller rapidement voir quelques coins pour prendre la « température » en vue d'y emmener mes clients qui viennent de toute la France pour traquer truites, aloses (et avant saumons, fermé cette année à cause de la baisse des stocks au niveau national mais aussi mondial), mais aussi bars et carnassiers d'eau douce.

À peine arrivé sur le spot que je vois quelques marsouinages. En effet, l'alose vient souvent en surface et montre sa tête puis son dos et sa queue pour des raisons que l'on ignore, comme le saumon, mais c'est certainement comportemental ou pour se repérer dans l'espace. On ne sait pas trop.
Dans ce cas, cela permet de les repérer et de savoir où insister. Il faut ensuite parvenir à passer à la bonne vitesse et bonne hauteur pour énerver les poissons pour qu'ils viennent taper dans la mouche pour la chasser de leur nouveau territoire. Comme tous les migrateurs, ces poissons défendent leur espace et sont agressifs pendant leur phase de montaison.
Les aloses remontent aussi haut qu'elles le peuvent, mais se retrouvent souvent bloquer par un obstacle souvent lié aux activités humaines (barrage) ou naturel.

Les premières touches, et les premières aloses
Cinq minutes après être arrivé sur le coin, je prends une tape sèche et courte comme les aloses savent le faire et rate la première touche. Comme chaque année, il y a cette petite excitation des premières touches et la quête du premier poisson migrateur de l'année.
Je reste concentré, lance ma mouche, l'anime et quatre lancers plus tard, une nouvelle touche intervient, mais cette fois le ferrage sera réalisé au bon moment et je pique la première de l'année.
Le combat est très violent sur ma SAGE Sonic 10 pieds soie de 7 contre les rushs. Elles sont toutes fraîches et viennent certainement d'arriver à en voir leurs mensurations, surtout que ces jours-ci les coefficients de marée sont très hauts et ont dû les faire monter.
Je reste aussi tendu que possible car ces poissons ont le chic pour se décrocher que ce soit lors des chandelles ou à cause des rushs qui partent vers l'amont, puis vers l'aval !
Celle-ci est bien piquée et viendra au bout de quelques minutes dans mon épuisette. Un combat sans relâche toujours aussi excitant ! L'épuisette est un outil indispensable pour écourter les combats et pouvoir remettre rapidement les aloses à l'eau. C'est un poisson très fragile qu'il faut préserver.
C'est une belle femelle de très belle taille. Elle doit 65 cm ou plus. Je ne l'ai pas mesuré pour la remettre à l'eau aussi vite que possible. Au moment de faire une petite photo, elle m'échappe des mains et repart dans le courant ! Tant pis !
Je me remets à poste et relance. Après une tape ratée à nouveau, ce qui est fréquent surtout lorsqu'elles prennent mal, je pique une autre alose, légèrement plus petite que la précédente, mais toujours une belle femelle toute fraîche et combative. Génial !
Une connaissance est au bord de l'eau et j'en profite pour lui demander de me tirer le portrait pour immortaliser cette belle prise. Les prochaines iront à l'eau sans photo pour assurer leur survie et qu'elles puissent frayer et pérenniser l'espèce !
Je vais voir deux autres spots, mais sans résultat. Elles étaient comme toujours dans cette fosse qu'elles affectionnent, mais d'ici peu elles coloniseront d'autres endroits et je pourrai y emmener d'autres passionnés.
La saison peut donc démarrer, en espérant que nous aurons un peu d'eau en mai et juin, car dans le cas contraire, cela sera une sècheresse comme en 2022 !